1.Inventer une Intelligence Collective?
Comment définir la cohérence de la famille professionnelle des enseignants? A bien y réfléchir ce qui fait l’identité de ce « groupe » est largement le fait de caractéristiques qui n’appartiennent pas au groupe lui-même : quelques diplômes en commun, un ministère de l'éducation nationale, des programmes nationaux, des horaires, un calendrier annuel, des objectifs (bac, brevet des collèges, etc.). Pourtant les identités professionnelles gagnent également à être construites sur des critères internes : un règlement en commun, une éthique partagée, un réservoir de pratiques et de savoir-faire. Quelle serait l’identité interne (et consciente d’elle-même) au groupe des profs qui permettrait au groupe de se définir? En dehors d’un ensemble de valeurs globalement partagées, fondamentales et pourtant assez floues (l’importance du service rendu au public, l’envie de faire progresser les enfants, l’égalité des chances, l’importance d’une forme de transmission entre les générations, etc.) dans quelle mesure peut-on parler d’une intelligence pratique et collective dans le monde de l’éducation? Par cette expression il faut pouvoir entendre un ensemble de pratiques, de rencontres, d’échanges, d’expérimentations engendrées, partagées, et discutées par le groupe lui-même. Le ProfLab se propose bel et bien de constituer l’occasion d’une réappropriation, par les acteurs de l’éducation, de leur propre milieu et des modalités de leurs inter-relations. Cette volonté de prendre en charge ce qui fait l’identité de son métier, ce désir de réinvention, cette volonté de faire-ensemble n’ayant absolument pas pour but l’uniformisation des pratiques ou des individus mais bien au contraire la libération des énergies, des créativités individuelles et collectives au sein même de l’institution. Il est grand temps que l’éducation nationale participe de ce mouvement qu’on appelle l’empowerment. (L’empowerment est l'octroi de plus de pouvoir aux individus ou aux groupes pour agir sur les conditions sociales, économiques, politiques ou écologiques qu'ils subissent. Diverses traductions ont été proposées en français : «capacitation», «développement du pouvoir d'agir », «autonomisation», «responsabilisation», «émancipation» )
2.« Faire cours » : fabriquer l’éducation !
Pour mettre en branle et promouvoir cette intelligence collective l’un des leviers dont veut se saisir le ProfLab est de faire comprendre aux enseignants que ce sont des faiseurs, des « makers »! L’expression « faire cours » n’est pas à prendre à la légère. Le « faire » dans toutes ses dimensions est fondamental. Faire cela veut dire également fabriquer, prototyper, faire des plans, des tests, des erreurs, bricoler, bidouiller, inventer, tester…Le prof est un adepte du DIY (Do It Yourself). Certes il a à sa disposition des techniques et des outils mais il invente également énormément et détourne ces outils. Le Proflab voudrait faire prendre conscience de cette “fabrique” de l’enseignement en mettant les gens autour d’un établi où les astuces et les projets pourraient circuler. Le Proflab est né de l’idée que les fablabs qui naissent un peu partout dans le monde ne doivent pas être cantonnés aux domaines techniques. Ce que les individus échangent dans ces ateliers techniques (leurs outils, leur maîtrise technique de l’informatique, de la robotique, leur créativité, leur compétence et curiosité), tout cela doit pouvoir être possible au sein de l’éducation. La première condition pour que cette évolution se réalise est que les profs se voient aussi comme des bricoleurs et des artisans.
Et comme des créateurs ! L’enseignant est un créateur de cours. Il crée des supports mais il crée des atmosphères de classe, il crée une vision de sa discipline. Chaque individu s’exprime dans sa classe très différemment. Aller voir un collègue ce n’est pas seulement aller essayer de copier des techniques qui sont transmissibles d’un individu à l’autre, c’est bel et bien aller chercher une source d’inspiration à sa propre créativité. Le Proflab n’a pas pour but de faire circuler et de faire appliquer un nombre réduit de dispositifs pédagogiques. Bien au contraire! Il veut être l’occasion de confrontations, d’événements, d’étincelles. Par l’échange de pratiques individuelles, mais également de difficultés, mais aussi d’hypothèses de travail, nous espérons faire naître un climat créatif dans lequel de nombreux hasards et événements, absolument non désirés, non prévus viendront enrichir la « fabrique des cours ».
3. Le Proflab à la pointe de l’innovation ? Une vitrine pour les enseignants innovants?
Absolument pas !
L’innovation est un terme industriel, il fait écho à un contexte commercial, social ou technologique. Lancer sur un marché concurrentiel l’innovation peut s’entendre par différents aspects : amélioration du service rendu, amélioration de l’ergonomie du service ou de son design… Pour autant comment parler d’innovation dans l’éducation? Prenons un exemple. Un jeune enseignant décide de faire quelque chose de radicalement nouveau : il décide de demander à ses élèves de se lever quand quelqu’un (y compris lui…) entre dans la classe. Peut-on parler ou non d’innovation? A l’échelle de la discipline pédagogique non. En revanche, dans sa pratique, et dans celle des élèves, cela peut être réellement une véritable et intéressante expérimentation. On voit bien la limite à l’utilisation de ce terme dans le champ pédagogique car dans la relation le « nouveau » n’est pas un nouveau ex nihilo, il est un nouveau dans l’histoire de la relation et pas seulement dans un contexte social/technologique/commercial.
Le ProfLab ne prône pas l’innovation. Il veut engendrer des « événements » pédagogiques plutôt que des innovations pédagogiques. L’idée est moins de faire du nouveau pour du nouveau (à quelle échelle? par rapport à quoi?) que de mettre les gens dans une situation inspirante, dans laquelle les cartes seront naturellement rebattues. Disons les choses autrement encore : le Proflab voudrait permettre à la communauté du Lab de donner aux individus qui fréquentent ce Lab les moyens d’essayer l’inconnu, d’être audacieux et libres sans risquer de se mettre en péril. Bien au contraire !
4. Proflab et nouvelles technologies.
Le Proflab veut essayer de promouvoir les évolutions humaines qui ont été rendues possibles grâce à Internet sans pour autant soumettre l’école au règne du tout numérique. Le Proflab c’est l’esprit du web sans le web ! Le web, parce qu’il a permis une multiplication incroyable des échanges entre les individus, a fait naître la conscience d’une nouvelle efficacité collective et de nouvelles façons de travailler ensemble. Mais ce qu’Internet a mis à jour est présent dans toutes les classes connectées ou non! Il est possible de pratiquer le coworking, la sérendipité, le hacking, le “wiki” dans une classe “offline”.
Résumons-nous : Le ProfLab n’est pas un réseau de mutualisation, pas seulement un lieu d’échange d’idées, pas un lieu de veille pédagogique (le Café Pédagogique fait cela très bien), pas la promotion des TICE, pas un lieu de revendication statutaire ou sociale, pas un club fermé, pas un lieu où l’on ne fait que discuter de dispositifs pédagogiques concrets… c’est un lieu, un état d’esprit, un temps, un ensemble de membres qui veulent « faire » ensemble.
5. Une Charte des Proflabs?
6. Le ProfLab comment ça marche?
a- Les Visites : le moment de l’ouverture, de la rencontre en situation, de l’événement, en silence...
b- Le Lab des Profs, le temps collectif, du partage: la réflexion a fait son travail et chacun a désormais transformé ce qu’il lui est arrivé lors des visites en questions, en projets, en désir de constitution d’équipe.
c- La Fabrique/l’atelier : Prototypages les mains dans le cambouis…travail en équipe dans les classes et ailleurs
Jérémy Collot, créateur du ProfLab.